voila la 1ere partie :
Une seconde détonation retentit et les eaux saumâtres du marécage furent secouées par les spasmes d'agonie du serpent géant. Un concert de cris d'oiseaux et de hurlements de primates arboricoles retentit comme pour protester contre autant d'agitation, les eaux se teintèrent du sang de la créature et retrouvèrent peu à peu leur calme. Le lieutenant Green tendit le fusil toujours fumant au sergent Barnes et entreprit de s'extirper de la boue en s'accrochant aux racines des arbres tropicaux.
“Nous ferions mieux de ne pas nous attarder,” dit Green aux hommes de son peloton tout en passant sa main dans sa barbe de huit jours. “Tout ce raffut va sûrement attirer du monde.”
Il commença à s'éloigner du marais à travers les sous-bois et sortit de sa ceinture une vieille carte tracée sur un parchemin. Il s'arrêta pour déplier la carte sur la grande feuille d'un végétal local, examina les notes griffonnées sur la marge et suivit de son doigt un trait rouge censé symboliser un sentier.
“Cette carte est tellement vieille !” soupira-t-il. Il la chiffonna d'une main et la jeta en direction du marais. “Cure-dent, trouve-nous un chemin pour contourner ce gourbi.”
Répondant à l'ordre de leur lieutenant, les hommes de l'escouade de reconnaissance se levèrent et disparurent entre les arbres. Green voulut profiter de cet instant de répit pour récupérer un peu mais Skorp, l'opérateur radio, s'approcha de lui.
“Je viens d'avoir le QG de compagnie, mon lieutenant,” dit Skorp en enlevant le casque de ses oreilles.
“Et qu'est-ce qu'ils disent de beau ?” demanda Green en essuyant d'un revers de main la sueur qui perlait sur son front.
“Une navette de la flotte vient d'avoir un problème. Le capitaine pense qu'elle s'est écrasée à quelques kilomètres d'ici, vers le nord.” poursuivit Skorp.
“Et puis… ?” insista Green.
“Il veut que nous y allions pour sécuriser la zone le temps qu'ils envoient du monde pour récupérer les survivants.”
“OK, rappelle-moi Cure-dent et dis-lui de nous trouver un chemin vers le nord,” ordonna Green en se redressant et en faisant un signe au sergent Barnes.
“Il y a autre chose, mon lieutenant,” continua Skorp à voix basse. “Lorsque la navette a amorcé sa descente, le pilote a signalé des troupes ennemies sur la route de Boden et venant droit sur nous.”
“D'autres bonnes nouvelles de ce genre ?” interrogea Green.
“Non, c'est tout !” répondit Skorp en affichant un léger sourire.
L'épave de la navette fut assez facile à trouver, elle avait ouvert une tranchée entre les arbres, large de cinquante mètres sur plus de deux cent. L'appareil faisait dix bons mètres de long et gisait légèrement incliné sur le côté, son nez s'était écrasé comme du papier contre un amas de troncs éclatés et de boue. Les ailes se trouvaient à une vingtaine de mètres du fuselage et le carburant libéré lors de l'impact avait allumé ça et là quelques foyers d'incendies qui ne risquaient pas de s'étendre beaucoup dans cette végétation humide.
Cure-dent et les hommes de sa patrouille étaient déjà en position autour de l'épave et Green ne put percevoir aucun autre signe de vie provenant de l'épave ou de la jungle environnante. Convenant que la zone était sûre, il fit un signe et son peloton sortit progressivement à découvert.
Chaque unité prit position afin de couvrir toutes les directions et Green courut en direction de l'épave, suivit de son escouade QG. L'avant du fuselage était noirci et la coque rayonnait encore de la chaleur emmagasinée lors de son entrée dans l'atmosphère de Darwin II. Le métal craquait en se refroidissant dans l'air humide de la jungle, Green repéra une échelle et une écoutille située juste en avant des moteurs et s'en approcha tout en scrutant la jungle en quête du moindre signe de danger. Les échelons étaient encore chauds mais pas au point de l'empêcher de grimper et Green escalada l'échelle en prenant bien garde de rester collé le plus possible à la tôle. Il sortit son long poignard, l'arme caractéristique des gardes de Catachan, en inséra la lame entre l'écoutille et la coque et pesa de tout son poids pour faire céder le système de verrouillage.
Il entendit alors du bruit de l'autre côté de la cloison et vit le volant de fermeture se mettre à pivoter. Green se laissa tomber de quelques échelons et se tint prêt à toute éventualité. L'écoutille s'ouvrit en émettant des bruits de métal tordu, il bondit, attrapa fermement l'homme à la gorge et posa la pointe de son poignard sur sa carotide.